« L’abord clinique de l’autisme en Allemagne » par Alexandra Fehlauer

octobre 20, 2012

L’autisme n’étant pas ‘cause nationale 2012’ en Allemagne, comme cela est le cas en France, on ne peut guère parler d’une actualité de l’autisme de l’autre côté du Rhin.

Cependant, au mois de février de cette année, le quotidien berlinois ‘Der Tagesspiegel’(1) publiait un article très critique vis-à-vis du traitement de l’autisme par certaines approches, considérées comme étant d’orientation psychanalytiques, telles que le ‘packing’. Cet article s’intitulait : « Enroulés dans des draps mouillés et attachés. »

Dans cet article, inspiré de l’actualité française du début de l’année autour des attaques contre le pédopsychiatre Pierre Delion du CHRU de Lille et auteur de l’ouvrage « La pratique du packing. Avec les enfants autistes et psychotiques en pédopsychiatrie » (2),  la journaliste Adelheid Müller-Lissner caractérise cette approche de ‘douteuse’.

La journaliste poursuit : « Les psychanalystes français voient la cause de l’autisme dans une perturbation précoce de la relation avec les parents, surtout avec une mère en même temps ‘froide’ et ‘possessive’. La thérapie viserait la séparation de l’enfant et de la mère et le fait de ramener l’enfant à un état de conscience antérieur. Aux yeux de Pierre Delion, le ‘packing’ serait une méthode qui pourrait servir dans ce sens ». A. Müller-Lissner s’inscrit clairement en faux contre ce point de vue en soulignant que des recherches ‘sérieuses’ ne fournissent absolument aucun indice allant dans le sens d’une ‘faute maternelle’ dans la causalité de l’autisme.

Afin d’éclairer le lecteur sur les causes de l’autisme telles qu’elles sont généralement reçues en psychiatrie, la journaliste écrit : « L’autisme est un trouble profond du développement qui débute au cours des trois premières années de la vie et se manifeste au niveau des liens sociaux, de la communication et de comportements stéréotypés. D’après l’état de nos connaissances actuelles, un trouble du traitement des perceptions serait à la base de ce phénomène. Le fondement en est génétique qui a des répercussions sur le développement du cerveau. La prise en charge du développement précoce comporte principalement des programmes individuels comme ‘L’Applied Behaviour Analysis’ (ABA) ».

Un peu plus loin, Mme Müller-Lissner cite un psychiatre et expert de l’autisme allemand, Matthias Dose du Centre hospitalier universitaire de l’Isar (Klinik Taufkirchen) : « Heureusement, je n’ai encore jamais entendu parler d’une utilisation du ‘packing’ en Allemagne. »

Cet article de presse fait arbitrairement l’amalgame entre un abord psychanalytique de l’autisme et la technique du ‘packing’, créée par le psychiatre américain Michael Woodbury et introduit en France au cours des années 60.  Ignorant visiblement tout de l’apport de la psychanalyse lacanienne dans le traitement de l’autisme, la journaliste met en exergue sa méfiance vis-à-vis de ce qu’elle considère être un exemple représentatif du travail analytique entrepris avec des sujets autistes.

Un échange que j’ai eu sur un forum de discussion de psychologues/psychanalystes allemands (« Berliner Blätter » / www.bbpp.de) illustre encore plus clairement cette ignorance, mais cette fois-ci du côté des analystes eux-mêmes.

A ma question quel était l’abord clinique de l’autisme en Allemagne, un collègue allemand (freudien) m’expliquait que des sujets autistes n’étaient traités par des psychanalystes que très exceptionnellement. Par ailleurs, il déclarait que les psychoses en générale, et l’autisme en particulier, ne constitueraient ni cliniquement ni au niveau de l’élaboration théorique un champ d’investigation significatif des psychanalystes en Allemagne.

Ce commentaire concis et déconcertant ne suscitait que très peu de réactions de la part d’autres collègues à travers toute l’Allemagne, à l’exception d’un analyste freudo-lacanien de Cologne qui s’insurgeait contre cet avis en les termes suivants : « Une conception comme celle de Mr X. contribue à mépriser le travail clinique et conceptuel de nombreux analystes qui travaillent avec des autistes, et participe du discrédit et de l’affaiblissement de la psychanalyse en Allemagne– au lieu de rendre publique les travaux de recherche ainsi que les résultats cliniques obtenus ».

En guise de conclusion, il me semble que la question de l’abord clinique de l’autisme en Allemagne se cristallise autour de deux pôles : l’approche comportementale en grande majorité et l’effort de quelques psychanalyste qui ont dû rencontrer l’enseignement de Lacan et qui ne reculent plus ni devant la psychose, ni devant l’autisme.

(1)      http://www.tagesspiegel.de/wissen/kritik-an-autismus-therapien-in-nasse-tuecher-gewickelt-und-festgehalten/6186780.html

(2)     Pierre Delion: La pratique du packing : Avec les enfants autistes et psychotiques en pédopsychiatrie, Éd. : Erès, Coll.: L’ailleurs du corEn cachePages similairesps, 2007

in: La Lettre mensuelle n° 311 : Numéro spécial 42èmes Journées de L’ECF : Autisme et psychanalyse

 

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